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Ma tendre jeunesse et mon âge de l'accumulation des connaissances académiques, se mélangeaient dans mon projet américain, pour développer un mouvement irrésistible vers l'avant, vers la conquête du nouveau monde, comme si je me prenais pour Christophe Colomb, et comme si j'étais tout d'un coup devenu l'ambassadeur de tous ces camarades d'enfance et de faculté, curieux de mettre les pieds sur la terre qui a vu naître les premiers hommes à avoir conquis la lune.
Je suis aussi ici pour mieux connaître ma famille, celle établie de force sur cette terre éloignée par les marchands de chair humaine, par tous les hypocrites qui ont écrit des pages de l'histoire de l'humanité avec du sang, de la souffrance et des larmes. Découvrir les Etats-Unis dans la situation d'un intellectuel africain qui n'a pas encore terminé l'analyse de ses rapports avec l'Europe et qui ne sait pas encore ce qu'il fera de ses sentiments ambivalents sur les rapports de la race noire et des autres races, peut précipiter la plus forte et la plus complète des intelligences dans un trouble profond.
La société américaine feint d'accepter le métissage, mais la réalité est ailleurs, dans une forme d'apartheid que chaque communauté raciale et chaque groupe culturel, vit dans son esprit et trimbale dans ses projets. L'harmonie parfaite qui existe sur les lieux de travail et dans les services publics, n'est que concession, coexistence de raison, collaboration d'intérêts, stabilité de sauvetage.
