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La narratrice, une femme d'une soixantaine d'années, a perdu subitement son mari. Elle n'a ni enfants ni famille, et ses rares connaissances ne lui proposent qu'un soutien très élémentaire. Assaillie de témoignages de sympathie qu'elle n'a pas le sentiment de mériter, elle cède à la panique et saute à bord de la Jaguar du défunt pour s'enfuir loin de leur grande demeure londonienne, désormais vide.
Elle loue une petite maison de pêcheur dans un village de la côte du Norfolk où elle ne connaît personne. Elle y vit recluse, sans trop savoir si elle va y demeurer définitivement ou n'y séjourner que quelques mois. Encore sous le choc de la perte de son mari, elle dort peu, boit de plus en plus et doit apprendre à découvrir sa vraie personnalité à présent qu'elle n'est plus simplement la femme de quelqu'un.
Les longues promenades dans les marais du littoral, les soirées au pub et les heures passées à contempler le feu de cheminée sont propices à cette réflexion qui nous est transmise sous la forme du journal qu'elle tient au quotidien. Mais loin de se complaire dans la noirceur ou l'auto-apitoiement, les réflexions et ruminations de cette femme sont teintées d'humour. Au fil de ce monologue intérieur, elle bouscule avec ironie toutes les idées reçues quant à la conduite qu'il est convenu d'adopter en période de deuil.
Ainsi rejette-t-elle la suggestion d'une de ses amies de faire du volontariat pour se sentir utile et moins seule au motif qu'elle n'est pas une délinquante en réinsertion. Elle s'amuse aussi des gens du village bien-pensants, visiblement offusqués par l'installation de cette femme qui vit en dépit de toute convenance et n'a que faire du qu'en-dira-t-on. Elle dit elle-même avoir des problèmes avec la réalité et s'efforce de composer avec elle pour alléger son quotidien, comme en témoigne son sens de la formule.
A titre d'exemple, elle rebaptise les ornithologues qu'elle croise régulièrement au cours de ses promenades dans les marais, les qualifiant de " paparazzi ornithologiques " du fait de leur accoutrement. Au fil de son récit empreint de causticité, on découvre que son mariage fut loin d'être parfait, plein de frustrations et de déceptions, marqué par deux gros secrets...
Subtile portait de femme
La lecture de cet ouvrage, peut se révéler, au premier abord, déconcertante. Il n’y a pas d’action, ou très peu. J’ai plus eu l’impression de voir sous mes yeux se dessiner, par petites touches, un tableau champêtre comme légèrement flouté.
L’état d’esprit de cette veuve, que je vois plus dans le désappointement, la déstabilisation, que la peine véritable, et le chagrin, se retrouve parfaitement dans la construction de ce roman fait d’un mélange parfois assez confus entre les impressions d’hier, et celles du moment .De petits chapitres, qui pour certains sont très courts, allègent avantageusement le côté déconcertant, et compense une certaine atonie de l’atmosphère.
Cette veuve, sans enfant, apparemment sans attaches familiales, et assez peu entourée d’amis, s’en va quelques temps pour fuir une solitude que je lui imagine assez lourde à supporter, mais pour laquelle elle ne formule aucune plainte. Tout est dans l’évocation. Petit à petit, ce qu’a été sa vie conjugale se dévoile. Peu à peu, le lecteur s’immisce dans les méandres de son intimité, et de ses petits secrets. L’auteur réussit à décrire la difficulté de la vie de la vie à deux, l’évolution du couple au fil du temps.
« Et le fait que notre relation avait changé, et peut-être même échoué sur bien des plans, était mis de côté. Chacun aimait à savoir que l’autre était là. »
Cette femme semble résignée à son nouveau statut. Même si l’alcool est pour elle un compagnon que j'espère pour elle transitoire (elle en est d’ailleurs consciente), elle parait malgré tout encline à s’adapter à la solitude. C’est à mon sens tout le but de ce séjour : rompre avec le quotidien, retrouver le passé ( ?), ou du moins une idée de ce qu’elle a du passé.
« Je vois bien ce que je faisais, en fait. Je voulais juste m’approcher un peu plus de la chaleur et de la lumière d’un vrai foyer-d ‘un endroit où règne l’amour véritable. Pareille à un chien perdu qui essaie d’échapper pour un temps à la nuit. »
Une femme complexe jusqu’à la dernière phrase de ce livre…une femme qui finalement se laisse apprivoiser peu à peu.
Je note que l'auteur, un homme, s'est glissé parfaitement dans le peau d'une femme, pour en dresser un portrait subtile, sensible, et tout en nuance.