En cours de chargement...
Pourquoi Napoléon a-t-il recouvert le manteau impérial d'abeilles ? Pasolini, apiculteur passionné sur l'île d'Elbe, est sûr que le destin de l'Empereur est lié à l'insecte ; sa stratégie militaire n'est-elle pas copiée sur celle des abeilles autour de leur reine ? Quelle n'est pas l'émotion de ce bonapartiste convaincu lorsqu'en 1814, Napoléon arrive sur l'île dont il se voit octroyer le règne. Le monarque déchu prend vite possession du territoire, il l'explore, mais il s'intéresse mystérieusement à une des richesses locales : le miel.
La visite des ruches serait une façon de donner corps à l'emblème impérial. Le rendez-vous avec Pasolini est pris. L'affaire tombe bien puisque ce dernier a été désigné par un mouvement secret pour le convaincre de prendre la tête d'une armée afin de libérer l'Italie. Dans l'univers étouffant de l'île, l'apiculteur s'emballe dans l'expectative de la rencontre jusqu'à la folie. Il finira mal et l'autre, son histoire est écrite dans les livres.
Ce court roman est un récit à plusieurs voix. On est témoin à la fois des conflits intérieurs de Napoléon, des obsessions de Pasolini, mais aussi du plaisir gai et pervers du narrateur à se perdre dans les fantaisies de ses personnages. C'est une merveille d'originalité, un de ces ouvrages marginaux, qui dérangent autant qu'ils émerveillent, exerçant un pouvoir hypnotique, servi par une langue belle, froide et sensuelle.
Cette réflexion sur la nature, sur les rêves de puissance, et sur l'équilibre fragile des forces qui nous dominent est une fable sur la liberté et sur l'Histoire.
Rêves d'abeille
Napoléon est en exil sur l'île d'Elbe. Une petite île mais ce n'est pas encore Sainte-Hélène ... Inlassable, l'Empereur prend possession de son minuscule et dérisoire royaume, y déployant une énergie fantastique, s'appliquant à bouleverser ce petit monde de paysans et d'apiculteurs, incapable qu'il est de rester inactif.
Il administre, reçoit les autorités, légifère, ordonne des travaux avec la même rigueur que s'il dirigeait encore la France. La France ... son regard reste tournée vers elle. Elle est là, désirable, à portée de main, à portée de bateau ... mais il hésite.
Il hésite d'autant plus que depuis son arrivée sur l'île d'Elbe s'est réveillé son intérêt pour les abeilles.Sans comprendre vraiment de quoi il s'agit, est fasciné par les abeilles. Et il sait qu'un apiculteur, Pasolini, l'attend pour lui révéler les secrets du lien qui l'unit à celles-ci.
Pasoline a étudié la vie et les campagnes de Napoléon. Il connait le mystère des abeilles et l'influence qu'elles ont sur le destin de l'Empereur. Il note les mouvements des essaims agressifs comme autant de mouvements de troupes, leur présence sur les champs de bataille du passé.
La nuit aussi, dans sa cave, Pasolini écrit et conspire. Il conspire pour une Italie réunifiée sous la houlette d'un Napoléon délaissant la France.
Court roman d'atmosphère, étrange et poétique, symbolique, mêlant politique, onirisme et réalisme, servi par une merveilleuse et fluide écriture, l'Apiculteur de Bonaparte m'a subjugué et fasciné. C'est aussi une rélfexion sur le fil fragile de la destinée des hommes ...
Extraits :
"Considérez un instant la solution italienne. J'ai les abeilles, un essaim de reines prêtes à tout. Vous savez que les reines italiennes sont les meilleures au monde, que la race italienne est la plus robuste, la plus prolifique, la plus active et la plus docile d'Europe. Je peux les déplacer selon ma volonté. Je peux les transporter à Livourne et laisser une tierce partie de l'essaim à Bologne. (...) De là, nous lancerons nos reines pour prendre Rome. "
" Et Montmirail, ce nom ne nous dirait rien s'il n'avait été le théâtre de l'éclatante victoire de Bonaparte. Un miel dense et noir, on ne peut plus poisseux, qui sent le faux-bourdon en sueur, l'énorme essaim de faux-bourdons en sueur prêts à l'effort excessif et inutile du vol nuptial.
C'était précisément le rêve que Bonaparte avait fait la veille de la bataille de Montmirail : un essaim de faux-bourdons en fuite le poursuivait, telle une brûme d'orage venue de la mer.
Il était trois heures du matin quand Bonaparte se réveilla dans sa tente, aussi froid qu'un glaçon. Il ordonna à sa garde de réunir les généraux. Un rapide conseil de guerre et, à six heures, alors que le soleil apparaissait derrière les montagnes, ses trois régiments anéantissaient les défenses de Montmirail, tranchaient la veine jugulaire de l'ennemi et l''abandonnaient à la tombée de la nuit, gisant."