Hiérarchie et mutations. - Ecrits sur le kaléidoscope social

L'inépuisable enquêteur ! Essentielle pour qui se soucie de la genèse des Mémoires est ici assemblée une mosaïque de textes annonçant le grand œuvre ; disons plutôt, avec Marcel Proust, une série kaléidoscopique ne laissant pas de manifester, pour peu que l'on évoque jusqu'au non-dit, une obsédante réflexion de type sociologique parmi d'infinies réflexions sur l'histoire de France, les grandes familles, les personnages majeurs - et une foule d'individualités constituant le tout-venant de la mondanité. Au-delà des titres nobiliaires, des dates de promotions, des " emplois ", sinon des " mérites ", ce qui, outre les moments où Saint-Simon, lâchant ses généalogies, redevient pleinement lui-même, c'est la constance d'une pensée fascinée par le déclin de la société contemporaine et l'oubli de valeurs à ses yeux irremplaçables : sous la diversité des monographies, des carrières, des caractères, on perçoit la permanence d'une idéologie de l'homo hierarchicus liée aux images d'un passé souvent atroce et néanmoins prestigieux. De grands hommes brillent avec éclat. Mais aussi, dans la continuité séculaire, se révèlent une déliquescence des vertus, ou de la vertu - celle des temps où fleurissait le Baroque - et l'accoutumance à la servitude. À l'approche de l'an 1740, quel projet d'écriture restait-il à réaliser ? Celui de " Mémoires " tôt ébauchés où s'amalgameraient indissolublement Histoire et autobiographie (encore innommée) ; le récit d'une aventure personnelle sur arrière-plan d'érudition et de " tableaux ", dans un esprit de contestation et de résistance aux outrages du pouvoir politique et à l'usure du temps. Dans la pensée et l'imagination du duc et pair, les mutations sociales signifient, pour le royaume des lys, une désolante fatalité du déclin.