Depot De Bilan. Journal 1992-1996

Le fait est à la fois banal et fascinant : l'écriture vous survit. Griffonné dans un carnet de notes ou plus noblement imprimé, ce fruit de la pensée et de la main a un potentiel de durée comparable aux produits radioactifs. Et n'est-ce pas, à l'inverse, une façon de se soumettre aux rayons, dont la cible vise au plus profond de soi-même, que de s'astreindre à l'exercice de la création littéraire ? Flanqué d'un prix d'excellence décroché à l'école communale, Jean Rivet aurait pu suivre la voie royale des études qui vous assuraient la situation sociale. C'était dans un autre temps. Là, nécessité obligeait. A 14 ans, il fallait gagner sa vie. De groom à directeur d'agence, Jean Rivet a franchi les échelons d'une carrière bancaire, choisie malgré lui. Par-delà les conventions, son combat intime, intense est celui qu'il mène avec les mots. "Dépôt de bilan" constitue un singulier parcours, jalonné par un rendez-vous quotidien avec la feuille et l'encre. Dans le confort spartiate d'une cabane de jardin, Jean Rivet s'est soumis à ce rituel entre un verre de vin cuit et l'audition du Requiem du génial et fulgurant Mozart, comme autant de points d'appui, solidaires et opposés, d'une condition forcément humaine. Quatre ans de réflexions, d'impressions, de confessions, d'hésitations, de convictions. Jean Rivet se livre, attachant, pathétique, irritant, tout en même temps égocentrique et altruiste, embrassant ce monde qui le lui rend peu, trop peu. Car Jean Rivet est un écrivain. Il fait partie de ceux dont l'authenticité imprime à son style cette vérité fragile et tremblante, dont le mot laisse toujours une parcelle d'incertitude. Xavier Alexandre.