Accessible oui mais aussi d'une érudition stupéfiante. La maitrise de Peter Green est absolument remarquable, tout comme l'est son talent pour rendre clairs les processus historiques les plus ardus. La période choisie est des plus complexes, longue, foisonnante. S'y retrouver tient de la gageure. Green dégage avec finesse, souvent avec humour, les grandes lignes d'une période charnière coincée entre la gloire météoritique d'Alexandre et la domination romaine. Le style est aisé, fluide, vivant surtout. L'auteur s'implique, juge et critique, sans perdre de vue ses objectifs ni sombrer
dans le pamphlet tardif.
Le livre est organisé en un certain nombre de chapitres de deux types: les chapitres politiques traitent de l'histoire de la période du point de vue des États, des rois et des armées. Ceux ci sont entrecoupés de chapitres thématiques très variés souvent transversaux, sans perdre de vue une logique chronologique. L'auteur traite ainsi des évolutions politico-économiques des royaumes des Successeurs, d'histoire de l'art, de la science, de la médecine, de la philosophie, de la littérature etc... L'ensemble donne de la période une image très complète et d'un accès relativement facile.
La thèse au cœur du livre doit cependant être relevée comme très crue et sévère pour tous ceux qui ne suivent pas les évolutions de l'historiographie de la période. Pour Green en effet il faut rompre absolument avec les héritiers du père de l'histoire de la période hellénistique, Droysen. La période hellénistique n'est pas l'aboutissement glorieux de l’hellénisme, au contraire. Sans aller jusqu'à parler de décadence systématique, il relève avec précision en quoi la fin de l'indépendance des cités grecques après Chéronée a mis à bas le type de société qui selon lui fait leur grandeur. A quoi s'ajoute le faste grandiose, la démesure "hubristique" des cours royales hellénistiques qui n'encouragent pas la création artistique libre.
Le portrait tiré par l'auteur est d'une grande sévérité, mais cela est rafraichissant: on est surpris de lire que cet auteur si célèbre, Ménandre, n'est qu'un comique grossier face à Aristophane, que le style des statues de Pergame sacrifie la grâce au grandiose, que la littérature sombre souvent dans une niaiserie sans nom, que les philosophies de l'époque sont surtout celles d'un repli sur soi égoïste et d'un fatalisme assez triste face à la Tychée divinisée, la fortune. Il est bon de lire de telles critiques, car elles rappellent au lecteur qu'il ne doit pas laisser son jugement au placard lorsqu'il se plonge dans l'histoire ancienne.
Au final, c'est un livre remarquable et que ses défauts mêmes (une certaine liberté de ton et une certaine complaisance dans la critique) sont ses qualités car ils forcent le lecteur à réfléchir, à prendre une certaine distance avec les propos de l'auteur, les questionner, en débattre. Je suis convaincu que là était le but de Peter Green.
(Préface enthousiaste de Paul Veyne)
Un ouvrage accessible
Accessible oui mais aussi d'une érudition stupéfiante. La maitrise de Peter Green est absolument remarquable, tout comme l'est son talent pour rendre clairs les processus historiques les plus ardus. La période choisie est des plus complexes, longue, foisonnante. S'y retrouver tient de la gageure. Green dégage avec finesse, souvent avec humour, les grandes lignes d'une période charnière coincée entre la gloire météoritique d'Alexandre et la domination romaine. Le style est aisé, fluide, vivant surtout. L'auteur s'implique, juge et critique, sans perdre de vue ses objectifs ni sombrer dans le pamphlet tardif.
Le livre est organisé en un certain nombre de chapitres de deux types: les chapitres politiques traitent de l'histoire de la période du point de vue des États, des rois et des armées. Ceux ci sont entrecoupés de chapitres thématiques très variés souvent transversaux, sans perdre de vue une logique chronologique. L'auteur traite ainsi des évolutions politico-économiques des royaumes des Successeurs, d'histoire de l'art, de la science, de la médecine, de la philosophie, de la littérature etc... L'ensemble donne de la période une image très complète et d'un accès relativement facile.
La thèse au cœur du livre doit cependant être relevée comme très crue et sévère pour tous ceux qui ne suivent pas les évolutions de l'historiographie de la période. Pour Green en effet il faut rompre absolument avec les héritiers du père de l'histoire de la période hellénistique, Droysen. La période hellénistique n'est pas l'aboutissement glorieux de l’hellénisme, au contraire. Sans aller jusqu'à parler de décadence systématique, il relève avec précision en quoi la fin de l'indépendance des cités grecques après Chéronée a mis à bas le type de société qui selon lui fait leur grandeur. A quoi s'ajoute le faste grandiose, la démesure "hubristique" des cours royales hellénistiques qui n'encouragent pas la création artistique libre.
Le portrait tiré par l'auteur est d'une grande sévérité, mais cela est rafraichissant: on est surpris de lire que cet auteur si célèbre, Ménandre, n'est qu'un comique grossier face à Aristophane, que le style des statues de Pergame sacrifie la grâce au grandiose, que la littérature sombre souvent dans une niaiserie sans nom, que les philosophies de l'époque sont surtout celles d'un repli sur soi égoïste et d'un fatalisme assez triste face à la Tychée divinisée, la fortune. Il est bon de lire de telles critiques, car elles rappellent au lecteur qu'il ne doit pas laisser son jugement au placard lorsqu'il se plonge dans l'histoire ancienne.
Au final, c'est un livre remarquable et que ses défauts mêmes (une certaine liberté de ton et une certaine complaisance dans la critique) sont ses qualités car ils forcent le lecteur à réfléchir, à prendre une certaine distance avec les propos de l'auteur, les questionner, en débattre. Je suis convaincu que là était le but de Peter Green.
(Préface enthousiaste de Paul Veyne)