Tout individu admis à l'école y entre avec sa culture, c'est-à-dire avec le cadre, présent mais invisible, qui donne sens à tout ce qu'il appréhende ; ce cadre préside donc aussi à l'interprétation des faits et messages scolaires, particulièrement à tout (consignes, méthodes, contenus) ce qui va être en définitive objet d'évaluation, occasion de réussite ou d'échec. Ce sens préalable, en ce qu'il induit la compréhension de l'élève, peut-il continuer à être négligé ? Face à cela, la " métacognition " est tenue pour être le pivot, accessible à tous, des apprentissages. Son usage scolaire la réduit à la verbalisation d'une activité. Or, dire son faire, en avoir pleine conscience, semble bien n'être pas une pratique universelle, mais la propriété de la culture... de l'écriture et de l'école ; cette forme de cognition ne serait donc pas partagée par tous ; de plus, scolairement normée, la compétence verbale n'est pas un outil neutre mais un facteur social de discrimination. En fait, plus qu'un moyen d'amélioration disponible pour chacun, la métacognition tend à devenir une fin en soi.
L'accès à la réflexivité serait-elle donc le privilège exclusif de l'école, maîtrisée seulement par ceux qui l'ont suivie avec succès ? Sur quoi pourraient alors s'appuyer en vue de progresser ceux qui en seraient dépourvus ? Afin de mieux en identifier les composants, le présent ouvrage confronte la réflexivité aux cultures et aux situations qui brisent son amalgame avec la verbalisation et la conscience : sociétés de la connivence, sourds profonds, sport, pratiques professionnelles muettes... ceci avec des spécialistes de ces champs disciplinaires : anthropologues, psychologues, philosophes, pédagogues. Il en résulte une conception ouverte et complexe de la réflexivité qui invite au décentrement et à se construire une " théorie " de l'autre, toujours en devenir, ceci en vue de faire évoluer les pratiques.