En cours de chargement...
Qui n'éprouve, un jour ou l'autre, la tentation de s'approprier complètement ce qu'il aime, non seulement par désir de possession intime, mais par besoin de communier et de s'identifier avec l'objet aimé ? Tel est le cas d'Hermann Mack, fils du propriétaire d'un cimetière de voitures. Son originalité, toutefois, c'est d'être amoureux d'une automobile, une Ford dernier modèle. Aussi est-il à peine paradoxal de dire que Car est avant tout un roman d'amour.
Herman, pour se l'approprier, se mettra à manger sa Ford, morceau par morceau, il ne se nourrira plus d'autre chose que de métal fondu, de bouts de moteurs et de pneus. Mais la mort plane sur ce roman, comme elle plane sur les routes : le dieu-voiture ne cesse de prélever sa dîme parmi les adorateurs. C'est donc une parabole, une fable cruelle que nous livre Harry Crews. Sa verve truculente, son humour noir et sarcastique, son refus des tabous contribuent à faire de Car à la fois un pamphlet virulent et un plaidoyer pour le retour de l'homme au bon sens et à la nature.
Dans les jardins d'Auto-Ville
On peut faire ça ?, je veux dire écrire un roman qui aurait pour scénario : un homme, qui a vécu toute sa vie dans la casse familiale, se décide un jour à manger une voiture, intégralement (une demi-livre de Ford Maverick par jour) du pare-chocs avant au pare-chocs arrière, puisque les voitures sont de partout. Sur 200 pages ?
Oui, c’est possible. Harry Crews est de ces auteurs-là, capable de vous embarquer sur son îlot fait d’absurde, de critique féroce de notre société, et de tendresse aussi. Capable de vous embarquer dans cette histoire où l’on tombe amoureux sur les lieux des accidents de voiture, où l’on entasse le métal et l’acier comme des souvenirs, où la plus dingue des idées est acceptable tout pendant qu’elle rapporte de l’argent.
Car, c’est le chien qui aboie dans le moteur d’une bagnole révisée. Du vacarme. Et du velours.