Un peu « gênée » qu’il figure en bonne place dans ma bibliothèque sans avoir encore osé franchir le pas, c’est de manière un peu détournée que j’y viendrai, en lisant ces chroniques d’un médecin nomade, comme indiqué en sous-titre ; pas tout à fait par hasard …j’aime bien découvrir pourquoi l’on rentre dans le milieu, pourquoi ce métier et pas un autre. Une question, à laquelle certains ou certaines ont les plus grandes peines du monde à répondre( dont la rédactrice de ces lignes).
Jean-Christophe Rufin le sait. La médecine était pour lui une évidence.
«
Je suis né en médecine, comme d’autre voient le jour au bord de la mer, au flanc d’une montagne ou dans les champs. »
C’est un grand-père pratiquant la médecine à l’ancienne, une médecine plus humaniste que scientifique qui construira sa vocation médicale
Il est l’écrivain que l’on sait, un touche à tout, médecin dans l’âme, mais profondément mal à l’aise dans le milieu hospitalier, et surtout avec l’évolution de la médecine.
Il aura beaucoup de mal à trouver sa voix, multiplie les expériences, participe au début de la médecine humanitaire avec plus ou moins de succès, touchera à la coopération, et allant jusqu’à accepter un poste d’ambassadeur au Sénégal.
Ses errances professionnelles seront à l’origine de ses romans. Long sera son cheminement vers l’écriture. Quelques ouvrages techniques seront un début, pour que se produise en lui le déclic le menant à la fiction.
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt ce parcours, souvent interpellée par nombre de remarques, réflexions que l’on se pose toutes et tous lorsque l’on travaille dans le milieu.
« Nous vivions les derniers moments d’une époque : une sagesse venue du fond des âges était encore transmise et exprimable sans susciter l’indignation. Comme le faisait avec naturel mon vieux collègue, elle nous disait simplement qu’il fallait respecter la mort. Une des noblesses du médecin était d’évaluer les combats perdus et de ne pas les livrer. »
Au risque d’en indigner certains ou certaines, il serait temps de renouer avec cette sagesse. Car souvent……
« Portant peu d’intérêt à la technique et aux aspects scientifiques de la médecine, j’ai souvent traqué, dans mon expérience d’interne, toutes les occasions de rencontrer la vie véritable, d’assister des êtres dans leur confrontation à la douleur, le danger, l’inéluctable. »
Nombreux sont les passages où l’humanité prend la place de la technicité, où le médecin ne fait pas secret de ses faiblesses d’homme démuni face à la détresse, l’injustice de la maladie.
Certains (mauvais) esprits verront dans ce récit une auto promotion, un étalage de carrière… une vision unilatérale des personnalités, bien connues, qui ont accompagnées l’auteur dans ses aventures humanitaires….En ce qui me concerne cela m’a permis de mieux cerner l’écrivain, et surtout de réparer, au plus vite une injustice, et de vite me tourner vers son œuvre romanesque.
Parcours atypique pour un médecin nomade
C’est en côtoyant son grand-père médecin et avec l’arrivée du chirurgien Christiaan Barnard et les premières transplantations cardiaques que la vocation médicale fait son chemin dans l’esprit de Jean-Christophe Rufin. Devenu médecin des hôpitaux, pionnier de l’humanitaire avec « Médecin Sans Frontière » puis « Action contre la Faim », écrivain ayant obtenu le Prix Goncourt 2001 avant d’être Ambassadeur de la France au Sénégal, il nous raconte l’aventure de sa vie. Il a vécu tous ses différents engagements de manière beaucoup plus « humaniste » que « scientifique » et nous le voyons comme un médecin compatissant et humain, comme un écrivain passionné mais aussi comme une personne assez instable toujours à la recherche de sa voie. Il faut noter la finesse de l’écriture.