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Où est la fiction ? Et si la vérité possible ou essentielle
de l'écriture était d'abord dans ce bousculement de toute
certitude quant à la fiction ? Qu'on avait alors une chance
possible de passer au-delà l'illusion du langage et le jeu des
signes, qu'ils soient phrase ou peinture, pour une relation plus
essentielle ?
Et celui qui a pour vocation le soin, la précision de ses mains
au plus exact du corps de l'autre, quel langage tient-il ?
Aller à l'essentiel, il y aura forcément le corps.
Le corps en
danger, le corps opéré. Il y aura la nudité, et la voix. Celui qui
avance dans les mots, et n'est pas le personnage de fiction mis en
avant du texte, est dans cette tension. Celui qui a pour outil les
mots n'a pas l'usage libre du corps comme le peintre, mais le lien
physique de la parole aux cordes vocales qui la profère va devenir
l'intercesseur : on entre en énigme. Texte rouge, comme les
peintures qu'il appelle.
En face, celle qui peint.
A elle l'audace, la relation sans
médiation du corps au geste, et les figures qui en naissent.
Mais le lien de ces figures aux symboles se défait quand la
fiction, pour approcher le corps, en fait photographie, mêle le
document aux toiles, ou bien se prend, pour les toiles, à les
agrandir, reproduire, décortiquer.
Et le corps quand on applique sur lui peinture, qu'il devient
figure et qu'on s'en saisit comme nouvel objet de peinture ?
Et lorsqu'il est opéré ? Un vertige prend à l'enchaînement des
figures : le prix d'une oeuvre, dépend-il de ce qu'elle a pris
au corps ? Oppositions d'artistes, photographes,
sculpteur.
Et lorsque le corps est dessaisi de lui-même, opéré ou privé de
cette liberté nécessaire pour le risque ?
Cette relation de la figure au récit, de la parole au peindre,
est un noeud essentiel de l'histoire littéraire, simplement parce
qu'elle met l'écriture en abîme.
Patrick Froehlich nous en propose
une figure pour aujourd'hui, une figure crue, où le corps vient en
avant comme seul intercesseur, et la fiction seule route pour ce
qui les dépasse, en réel ou en fiction, des deux côtés : la
matérialité même du corps comme l'irreprésentable, et là où la
peinture comme la phrase aura à pratiquer le saut dans
l'inconnu.
FB (Lien -> http://www.tierslivre.net)
Né en 1961, chirurgien, Patrick Froehlich vit et
enseigne à Lyon et Montréal.
Il a publié aux éditions du Seuil en
2006 Le Toison (Lien -> http://auteurs.arald.org/ll/Froehlich1961_ll.html). Voir aussi sur
publie.net, le site de Paola Hivelin (Lien -> http://paola-hivelin.net/), où on
retrouvera certaines des toiles reproduites dans le livre.